Camille Léonard, la petite-fille d’Hélène Denis-Léonard, est une Bousvalienne de souche, très attachée à son village. Elle est très conservatrice et a donc classé et gardé précieusement le courrier de sa grand-mère, Hélène.

Celle-ci vivait rue du Château. Elle a eu trois enfants: Jules, boulanger, Georges, instituteur et Marthe, institutrice.

Hélène et Marthe entretenaient une correspondance régulière, échangeant chaque semaine des lettres de quatre pages à la belle écriture fine à l’encre bleue. Camille nous a confié une de ces lettres datant du 12 août 1939 et adressée par Hélène à sa fille Marthe nommée dans une école à Gand. La mobilité ne faisait pas peur aux décideurs à cette époque.

Dans cette lettre de 1939, la maman exprime son souci pour les yeux de sa fille. Elle voudrait lui communiquer l’horaire de consultation d’un médecin à Bruxelles; elle connaît son nom, elle sait que la clinique se trouve rue des Cendres près du « Bon marché », mais comment se renseigner. Il ne faut pas songer à aller deux fois à Bruxelles en train car les trajets sont coûteux. Elle lui dit aussi, elle qui est très croyante, qu’elle prévoit d’aller à Louvain pour prier Saint Joseph et le père Damien pour sa guérison. Elle parle de la visite prochaine de sa sœur Maria qui viendra chez elle de Tangissart, à pied bien entendu (non par plaisir comme maintenant, mais par besoin) et par les sentiers.

Ensuite, Hélène écrit en détails les récoltes de son jardin. C’était une année à groseilles rouges : « j’en ai cueilli autant pour demain et on ne voit pas beaucoup que j’en ai cueilli tellement les plantes sont chargées de fruits ». Elle a fait beaucoup de confitures. « Par contre les maquereaux sont rongés des chenilles. Ils sont presque tout dépouillés ».

Nous sommes en 1939, l’armée est déjà sur pied de paix renforcé. Hélène parle de son fils Georges, militaire conscrit. Il a une permission le dimanche de 8 h 30 à 21 h 30. Il est fatigué et il dort tout l’après-midi. Il est prévu qu’il ne reviendra plus avant 15 jours « si cela ne change plus ». Elle évoque aussi sa petite fille : « Mimi se plaît dans sa chaise et dort deux heures pour toute la journée ».

Elle continue sa lettre avec des nouvelles de ses bêtes pour qui elle a « fait faner l’herbe qui sera à point ». Elle parle des fruits du verger : pommes, poires, noisettes, reines-claudes… Elle pose aussi des questions à sa fille pour savoir si elle a été bien payée pour un travail « à servir des cornets ». Elle pense aussi à la fatigue de sa fille qui doit faire des conserves. Mais surtout, elle termine en lui rappelant à nouveau de soigner ses yeux : « ne fixe pas trop quand tu regardes, ne force surtout pas ». Ces derniers mots : « Un bon baiser de tous, M.(maman) », montre bien le caractère affectueux de son courrier.

A notre époque, qui écrit encore des lettres manuscrites à ses enfants ? Les SMS, les courriels ne laisseront pas de traces des préoccupations des générations de 2013. Et que dire des contenus, précieux pour les destinataires, qui évoquent la simplicité du quotidien et qui témoignent tant d’attentions à une époque où les communications étaient rares en fonction des distances ? Le jardin et l’élevage étaient les centres d’intérêt ainsi que la constitution de réserves alimentaires (confitures et conserves) pour l’hiver suivant.

Source : P. Olbrechts – Le Bousvalien 06/2013


Le fils d’Hélène, Georges Léonard, a publié en 1997 une plaquette dans laquelle il raconte ses souvenirs de jeunesse « Chroniques villageoises Bousval 1924-… ».