Une librairie-presse qui cultive la curiosité
À Bousval, ni librairie ni bibliothèque.
Dans ce cas, comment se tenir informé, où passer commande d’un livre recommandé dans la presse ?
Inutile d’aller bien loin : à Genappe, la librairie-presse indépendante Le Canard, tenue par Michaël Bourguignon depuis 2011, est l’un de ces lieux où le papier résiste à l’ère des achats en un clic.
« Quand j’ai repris l’endroit, c’était un petit point de vente consacré à la presse moto et aux cigarettes. Rien à voir avec ce qu’on connaît aujourd’hui », raconte le libraire.
Il a réorganisé les lieux et fait naître un espace où cohabitent littérature, presse jeunesse, généraliste ou spécialisée.
Ce projet, il l’a imaginé pour répondre à sa propre frustration.
« Je suis habitant de Genappe et je voyais bien le manque. Il n’y avait ni librairie ni point presse vivant. L’idée, c’était de recréer un espace culturel de proximité, où les gens peuvent venir feuilleter, discuter, commander, découvrir. Une librairie qui donne envie de rester curieux. »
Rien ne le prédestinait à devenir libraire indépendant. « Au départ, c’était un pari un peu fou. Je n’avais aucune expérience, mais beaucoup d’envie », confie-t-il. Aujourd’hui, il se dit « fatigué, mais heureux ». Fatigué, car le métier exige un investissement colossal — soixante heures par semaine, parfois plus. Heureux de défendre ses valeurs. « Pour moi, résister à la déshumanisation du commerce et l’uniformisation de l’information passe par ça : un lieu réel, tenu par des gens réels, qui prennent le temps. » Un métier difficile mais qui lui procure une immense satisfaction : celle de voir un lecteur revenir lui dire qu’il a aimé un livre conseillé. « C’est ça, le vrai salaire d’un libraire indépendant. »

Michaël Bourguignon, propriétaire de la librairie-presse Le Canard à Genappe, et son conseil lecture du moment : « Jours de révolte », de l’actrice, chanteuse et écrivaine hongkongaise Gigi Leung Lee-Chi
Dans sa librairie, on trouve des journaux de tous horizons, des revues indépendantes, des titres absents des grandes surfaces. « Je suis attaché à la presse papier parce que suis persuadé que sur Internet, tout est filtré, orienté, surveillé. Lire sur papier, c’est un acte de liberté. » Il met en garde contre le repli sur soi et le communautarisme inquiétant qui naissent quand les individus cessent d’être exposés à des points de vue divergents. « Ici, les gens se rencontrent, discutent, ne sont pas toujours d’accord — et c’est très bien comme ça. »
Pas de clientèle typique. « Les gens qui viennent ici partagent une certaine curiosité, une envie de contact réel. Ce sont des personnes qui préfèrent flâner, discuter, découvrir un livre plutôt que de le commander en ligne. Je préfère moins de clients mais des rencontres sincères. »
Si l’édition se porte bien, les librairies, elles, subissent de plein fouet la domination durable du commerce en ligne.
Mais il existe encore des lieux – parfois tout près de chez vous – où l’accès au livre sans connexion Internet est possible et où la diversité des points de vue est encore accessible.
Et si l’on veut que ces lieux continuent d’exister, il suffit d’un geste simple, mais essentiel : passer commande chez son libraire. Parce qu’au-delà du commerce, c’est tout un lien humain, culturel et local qu’on fait vivre à chaque livre commandé.