Depuis la réorganisation de la nouvelle police, des Bousvaliens souhaitaient que l’on interroge Roger Mambour, ancien policier de Bousval, appelé champêtre à l’époque.

Comment cela se passait-il dans le village de Bousval à l’époque ? Il nous raconte sa vie de « champêtre » « dans le temps ».

Roger Mambour nous reçoit dans son salon et nous parle de sa vie de champêtre à Bousval de 1959 à 1979. Il est intarissable et nous l’écoutons pendant deux heures passionnantes sans épuiser le sujet.

Comment devient-on champêtre ?

C’est le cheminement de sa vie qui l’aura conduit à cette vocation. Dans sa jeunesse, Roger vivait dans l’épicerie « Chez Cléricy » située en face de l’église ; son père en avait hérité de son beau-frère peu avant la Première Guerre.

A partir de 1936, Roger fait son service militaire chez les gardes-frontière (béret bleu avec un insigne en forme de roue). C’était un bataillon d’élite, une sorte de commando. Lors de cette période troublée de l’avant-guerre, il est rappelé quatre fois. Son bataillon était en première ligne entre la ville de Liège et le canal Albert, le long de la frontière.

A l’aube du 10 mai 1940, la Belgique subit l’invasion allemande. Ce jour-là, Roger Mambour a beaucoup de chance ; il échappe à la violence de la première offensive qui fait de nombreuses victimes parmi ses compagnons du bataillon.

Il rejoint Wavre à vélo et décide de passer par Bousval pour voir ses parents.

Dans le village, pratiquement toute la population est partie sur les routes de l’exil. II ne trouve que des soldats français bivouaquant dans les environs de la place Communale.

Tout à coup, un avion allemand survole la place et largue une bombe qui tombe sur sa maison. Dans le salon, Roger est projeté contre un mur par la déflagration. Il se ressaisit, réalisant sa chance d’être encore en vie ; sa maison est complètement démolie mais il est sain et sauf ! Il décide à son tour de partir vers le sud rejoindre le reste des troupes belges.

II roule à vélo vers le midi de la France (sans pompe et surtout sans avoir crevé une seule fois !).

Arrivé aux environs de Pont-Saint-Esprit, il est incorporé dans un régiment français. Là, il apprend la capitulation de la France.

Roger et un autre soldat belge décident de retourner en Belgique, à Bousval, à pied car les officiers français ont réquisitionné leurs vélos. Après une heure de marche, coup de chance : une voiture militaire belge remonte vers le nord, occupée par son seul chauffeur. Elle devait conduire des officiers belges à une négociation avec les autorités allemandes mais elle était tombée en panne et les réparations avaient pris la journée et la soirée. Le chauffeur peut dès lors les embarquer tous les deux.

Dans le nord, ils prennent un train pour Bruxelles d’où son copain continue vers Liège. Il ne recevra jamais de ses nouvelles bien qu’il lui ait donné son adresse… Roger prend le tram jusqu’à Maransart et rejoint ensuite Bousval à pied par le pavillon de Bal.

Entre-temps, ses parents sont aussi revenus à Bousval ; ils ont déjà entamé la reconstruction de leur maison sous la direction de l’architecte Léon Jaumotte et avec l’entreprise Léon Catelain.
A l’initiative de l’architecte et profitant d’une opportunité intéressante, des tuiles vertes sont utilisées pour le toit, ce qui rend cette maison – encore de nos jours *– un peu particulière.

Après la fin de la guerre, en 1945, l’administration communale a besoin d’aide pour  la distribution des timbres du rationnement. Roger Mambour avait l’expérience de la gestion et des timbres de fidélité du magasin.
Il est engagé pour gérer cette tâche. Là, il réalise qu’un métier au service de la population pourrait lui plaire.
Par exemple, il s’efforce de minimiser la longueur des files d’attente, il arrive tôt le matin afin de servir les premiers arrivés pour éviter la formation de files inutiles. Ensuite, il reprend le magasin de son père, passé entre-temps sous l’enseigne « Bien-être ».

Victor Borremans, le champêtre de l’époque, sera bientôt à la pension. Roger passe les examens pour la réserve de recrutement. Il est nommé sans aucun problème car son passé d’ancien combattant lui donne la priorité.

Qu’est-ce que la vie d’un champêtre à Bousval ?

La journée du champêtre commence vers 8 h 30 à la maison communale. Après avoir reçu le courrier des mains du maïeur Georges Gossiaux ou du secrétaire communal Joseph Ghislain, il entame sa tournée.

Pas de gros problèmes à cette époque, juste des conflits de voisinage !
Par exemple, si l’un se plaint des dégâts causés par les bêtes du voisin, Roger demande une estimation des dommages dont il réclame la contrepartie au responsable ; très souvent, celui-ci paie sans discuter et on arrive rarement au tribunal.
C’est le dialogue qui est son arme principale. Pour résoudre des problèmes de couple, violents parfois, il écoute les deux parties et essaie de recoller les pots cassés. Bien sûr, Roger s’occupe aussi de régler la circulation comme lors des processions.
Le conseil communal se passe sans aucun incident, jamais de manifestants à évacuer !

Par ailleurs, Roger est passé maître dans les exercices de tir grâce à son calme et son sang-froid. L’entraînement a lieu six fois par an à Nivelles et un concours est organisé une fois par an au Tir national à Bruxelles Il y est classé 5e sur cent candidats.

Parmi les anecdotes, citons cette « aventure » qu’entraîna le problème des chardons qui envenime les relations entre voisins.
Le règlement de la police rurale est impératif : tout propriétaire doit les couper avant qu’ils ne fleurissent et que les semences ne se répandent chez les voisins.
L’un d’entre eux se montre récalcitrant; après plusieurs PV et avertissements, Roger n’obtient pas satisfaction. Il décide alors de les pulvériser lui-même ! Voilà que le propriétaire est mis au courant et que, par pure malveillance, il entame une procédure auprès des autorités de tutelle ! Roger reçoit un blâme du Gouverneur pour excès de conciliation !

Au début, il circule à vélo ; il achète ensuite un vélomoteur à Court-Saint-Étienne. A son retour, Roger, très prudent, traverse à pied la chaussée provinciale à Mérivaux. Il est injurié par un passant : « Vos astè trop vi » (Vous êtes trop vieux).
Quelques semaines plus tard, quelle n’est pas sa surprise de devoir établir le PV d’un accident au carrefour du centre de Bousval pour le même énergumène !
Quelque temps après, c’est au volant d’une Citroën 2CV bleu clair que le champêtre sillonnera  les routes de Bousval.

A la fusion des communes, Roger intègre l’équipe des quatre (!) policiers du grand Genappe. Il s’arrête à 62 ans après 20 années de service. Pour Roger, ces 20 ans ont passé bien vite : maximum 4 ans dans sa tête !

Dans un village, on est de garde 24 heures sur 24. On pouvait « toquer » à la porte à toute heure du jour et de la nuit.

Ce sera le mot de la fin. Pour Roger, Bousval était une commune modèle, sans problème. Pour rien au monde, il ne quittera son village. Il n’a retenu de sa carrière que les bons moments, les conflits sont vite oubliés.

Source : P. Olbrechts – Le Bousvalien 09/2005

Roger Mambour est décédé en 2014.

* Jusqu’en 2014, année de la rénovation de la maison par Maximilien Vermeiren, son nouveau propriétaire.