Témoignages d’anciens du village : Philippe Pierre, né en 1946 et fils du premier pharmacien de Bousval. Il y a habité jusqu’au début des années 1970.
La place publique est souvent le théâtre des événements, petits et grands, de la vie d’un village. C’est ce fil conducteur que nous avons choisi pour évoquer des souvenirs de notre jeunesse à Bousval dans les années cinquante et soixante.
A tout seigneur, tout honneur. Nous débuterons ce bond dans le passé par les deux grosses personnalités qui ont marqué cette tranche de l’histoire de Bousval.
Il s’agit de Freddy Baillien et de Georges Gossiaux.
Freddy Baillien
Le 17 juillet 1960, l’enfant du pays, Freddy Baillien, célébra sa première messe à Bousval. Pour fêter l’événement, les autorités communales, conduites par le bourgmestre Georges Gossiaux, avaient tenu à rassembler les habitants sur la place Communale.
Ce fut un grand moment suivi par une foule nombreuse. Des personnes de tous bords et de toutes convictions. Il faut dire que Freddy Baillien était un homme hors du commun. Aussi à l’aise avec les notables du coin qu’avec les gens du peuple.
Un prêtre sans œillères qui n’hésitait pas à assister aux funérailles civiles par sympathie pour la famille du défunt. Cet anticonformisme le caractérisa durant toute sa vie. Ainsi, lors de ses cinquante ans de prêtrise en 2010, c’est en wallon qu’il célébra la messe de la Saint- Barthélemy. Ainsi encore, en guise de préparation au mariage, il nous envoya, ma future épouse et moi-même, nettoyer une maison mise à sac par son occupant dans une crise de colère.
Très attaché au patrimoine local, Freddy Baillien multiplia les initiatives pour sauvegarder nos traditions. C’est ainsi, notamment, qu’il fut l’un des fondateurs des Amis de Bousval qui jouèrent par la suite un rôle essentiel dans le tissage des liens entre les habitants du centre et des différents hameaux.
Jusqu’au bout (il décéda en 2011 à 77 ans) Freddy Baillien conserva son esprit frondeur, teinté d’autodérision. « Je suis encore vicaire, disait-il, mais également enfant de chœur, sacristain et … rustine » .
Georges Gossiaux
Georges Gossiaux, lui aussi, porta les Amis de Bousval sur les fonts baptismaux. Tombé dans la marmite bleue dès l’enfance, il fut mandataire politique pendant 54 ans. Comme bourgmestre, il présida aux destinées de Bousval de 1958 à 1976. On lui doit entre autres les routes reliant Bousval, le Sclage, La Motte et Pallandt, la restauration de bâtiments communaux (église, écoles, presbytère…) ainsi que la construction d’un hall sportif qui porte son nom.
Les anciens ont encore en mémoire la lutte épique qui l’opposait à chaque élection à son éternel adversaire politique, le social-chrétien Georges Devillers.
Professeur de mécanique à l’école technique provinciale de Court-Saint-Étienne, Georges Gossiaux était un passionné de courses automobiles. Il participait à des rallyes au volant de sa Peugeot. Il organisa même des courses de côte dans les bois de La Motte; ces épreuves connurent une existence éphémère à la suite des protestations des riverains.
Georges Deltour
Un autre Georges, Deltour, marqua également la vie du village. Instituteur en chef de l’école communale, il était la mémoire vivante de Bousval dont il écrivit l’histoire dans son livre « Si Bousval m’était conté » sorti en 1956.
Les Bousvaliens y retrouvent leurs racines, ce qui explique le succès de cet ouvrage qui vient d’être réédité pour la deuxième fois en 2012.
Les distractions
Du temps de notre jeunesse, les distractions n’étaient pas légion à Bousval. Cependant on se contentait de ce qu’on avait : des « tours secrets » à vélo, des parties de tennis de table au café Gossiaux (aujourd’hui l’En-Quête du Goût) et, par temps de neige, les descentes en traîneau qui nous menaient d’une traite de la chapelle du Try-au-Chêne aux portes du château; c’était la côte Borremans du nom de l’ancien exploitant de la ferme de la Baillerie.
Lors de la kermesse de Bousval, notre attraction favorite était les balançoires tenues, sur la place de la Gare, par un rouquin au visage de clown triste. Les plus audacieux faisaient le tour complet dans leur balançoire non sans avoir préalablement attaché leurs chaussures à une chaîne arrimée au plancher.
Pendant les vacances d’été, nous allions coller des étiquettes sur les bouteilles (Ah, ce soda pétillant à l’ananas !) des Sources de Bousval appartenant à la famille du médecin du village, Marcel Dethier. Grand amateur de boxe, ce dernier nous emmenait à la salle de Genappe lorsque Marcel Limage y livrait un combat. La salle était comble pour voir boxer ce colosse, gloire locale de Bousval qui conquit le titre de champion d’Europe des mi-lourds chez les amateurs au début des années cinquante.
Les appareils de télévision étaient très rares dans les familles à l’époque : aussi, quand il y avait un événement télévisé, on se retrouvait en nombre au café Patria (actuellement la Supérette sur la place Communale). On assista ainsi au match de Coupe d’Europe, Standard – Stade de Reims, le 4 février 1959, remporté par les Liégeois sur le score de 2-0. Mais au retour de ce quart de finale, les Français prirent leur revanche au Parc des Princes sur la marque de 3-0.
On eut aussi l’occasion de supporter devant le petit écran de Patria, le Bousvalien Guy Coclet dont la grande culture générale lui permit de briller à un jeu télévisé, genre « Questions pour un champion ».
Serge Hendrickx et Jean-Pierre Deconinck et le volley-ball
Quant aux amateurs de sport, leur attente fut enfin récompensée en 1965 lorsque Serge Hendrickx et Jean- Pierre Deconinck créèrent un club de volley-ball. Ces pionniers jouèrent en plein air et par tous les temps sur la terre battue de la place Communale avant de trouver refuge dans la salle Gossiaux à la fin des années septante.
Eugène Pierre, le cinéma, la pharmacie
Dix ans avant la création du club, c’est le cinéma de Bousval, le « Ciné Casino » (autrefois, « Le Winston ») qui avait cédé la place à une pharmacie.
Venu de Wavre, Eugène Pierre avait ouvert une officine à Bousval au début de la seconde guerre mondiale. Elle était située dans le haut du village à côté de la boucherie Richard et de la maison du docteur Marcel Dethier, et a longtemps été la propriété d’Armand Delcampe, fondateur de l’Atelier Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve qu’il dirige jusqu’à la saison 2008-2009.
Le bistrot du cinéma fut transformé en pharmacie et la salle en maison d’habitation. Une partie de l’immeuble fut abattue pour faire place à une grande cour. Quant à l’arrière du bâtiment, il fut aménagé en garage et en buanderie. Au dessus de ceux-ci, subsista une salle que nous appelions « la cabine » puisque c’était de là que les films étaient projetés.
Eugène Pierre était un pharmacien à l’ancienne. Entendez par là qu’il était de garde en permanence. Chaque dimanche matin, il ouvrait son officine pour permettre aux habitants des hameaux de faire d’une pierre, deux coups : assister à la messe et se procurer les médicaments dont ils avaient besoin.
Quand on demandait au pharmacien Pierre les raisons pour lesquelles on venait sonner à sa porte la nuit, il répondait que la cause la plus fréquente était un biberon cassé. Il en donnait alors deux au client. « Comme cela, disait-il, la prochaine fois, vous ne me dérangerez plus la nuit ».
Source : Philippe Pierre – Le Bousvalien 03/2013